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Le temps d'être





Face à un Sancho Panza occupé à tromper son maître par une de ses fourberies, Don Quichotte lance une phrase pleine de discernement : « il faut laisser le temps au temps ». Reprise plusieurs siècles plus tard par François Mitterrand, cette expression offre un précepte fondamental, souvent sous-estimé.


La notion de temps est intimement liée au politique. À la manière du pianiste virtuose, du grand maître d’échecs ou de l’athlète de haut niveau, le politique doit apprendre à maîtriser le temps. L’enjeu est de faire du temps une force et de s’inscrire dans son long cours. Il ne doit pas être pressé, subi ou maudit, mais il doit devenir un allié pour l’Homme politique qui veut porter son art à son niveau le plus élevé.


Il est impossible de parler de temps, sans parler de tempo. Agir avant le bon moment est tout aussi néfaste qu’agir après le bon moment, ou même ne pas agir du tout. Le moindre mauvais choix peut s’avérer fatal.


Sur cette voie singulière, il faut savoir écouter les pulsations subtiles du temps, cette mélodie inaudible qui dévoile à l’âme attentive les chemins qu’il faut emprunter. Alors que les démocraties sont en crise et ne convainquent plus les citoyens, un retour aux sources s’impose. Le temps et la philosophie de la vie qu’il renferme ont beaucoup à nous apporter.



Un temps politique qui témoigne d’un malaise général


Ces derniers mois ont été cadencés par un tempo politique chaotique, marqué par des enjeux inédits et un climat social tendu. Lassitude, rejet des institutions, défiance ont teinté cette année électorale d’une empreinte qui envoie tous les signaux d’un mal-être général auquel il faut répondre, au plus vite.


Sondage après sondage, élection après élection, le fossé entre les Français et leurs dirigeants se creuse. Il est pourtant difficile de nous faire entendre que les Français ne s’intéressent pas à la politique. Combien de dîners avons-nous passés en famille, entre amis, sans que la discussion politique ne s’invite à la table ? Les retraites, le chômage, la santé, nos relations avec les autres pays, sont autant de sujets sur lesquels les Français ont un avis bien clair. Parfois, plus ou moins renseigné, parfois plus ou moins argumenté, mais un avis bien dessiné.


Un amour déçu


La politique, nous l’aimons tellement que parfois, comme des amoureux déçus par l’objet de tous nos désirs, nous préférons l’oublier. Maintes fois désolés par un monde politique dans lequel ils n’arrivent plus à s’identifier, les Français choisissent de reporter leur attention ailleurs.


Les idées ont cédé la place aux éléments de langage, le fond a cédé la place à l’image et dans une cacophonie collective, la vie publique s’est aseptisée et a perdu tout l’enchantement qui fait de la politique l’espoir des peuples et des nations.

Faire du temps un allié


Et si, au lieu de presser le pas et multiplier les propositions, la solution était dans un retour aux sources ? Un retour au fond, un rejet de l’immédiateté, de la simplification à outrance ?


La politique puise sa force dans la capacité à transcender la frénésie du moment. Elle est par essence une de ces disciplines qui surplombent l’immédiat et inscrivent l’histoire de l’Homme dans un marbre que les années qui passent ne peuvent fissurer.


Le temps est un allié naturel du politique. Cependant, il ne peut l’être qui si nous en acceptons la prééminence. La maîtrise de tout savoir passe par un lâcher prise total. Une fois ses principes fondamentaux acceptés, le temps devient alors un élément central de la réussite.


Le temps, père de la raison selon les propos d’un certain Voltaire, porte en lui l’harmonie et la concorde qui manquent cruellement à nos sociétés modernes. Inspirons-nous de ses enseignements et faisons de lui une force dans la reconstruction de nos démocraties.









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